Avant d’expliquer en quoi le rosicrucianisme est à la fois une quête de sens, de connaissance et de sagesse, il est peut-être utile de rappeler que l’Ordre de la Rose-Croix, sur le plan purement historique, est apparu au tout début du XVIIe siècle. Pour être plus précis, il s’est fait connaître par la publication de trois Manifestes : la « Fama Fraternitatis », la « Confessio Fraternitatis » et les « Noces chimiques de Christian Rosenkreutz », publiées respectivement en 1614, 1615 et 1616. Quelques années plus tard, en 1623, les Rose-Croix sortirent davantage encore de l’anonymat, puisqu’ils apposèrent dans les rues de Paris de mystérieuses affiches invitant les chercheurs à rejoindre leur Fraternité « Nous, Députés du Collège principal de la Rose-Croix, faisons séjour visible et invisible dans cette ville par la grâce du Très Haut… » Dans les semaines et les mois qui suivirent le placardage de ces affiches, des centaines de livres furent écrits à propos des Rose-Croix, les uns en leur faveur, les autres à leur encontre.
Aux sources du rosicrucianisme
Sur le plan traditionnel, les origines de l’Ordre de la Rose-Croix sont beaucoup plus anciennes, puisqu’elles remontent aux Écoles de mystères d’Égypte. Dans ces Écoles, dont l’existence est reconnue désormais par la plupart des égyptologues, des mystiques éclairés se réunissaient régulièrement pour étudier les mystères de l’univers, de la nature et de l’homme lui-même, d’où leur nom d’« Écoles de mystères ». Avec le temps, cette étude donna naissance à une Gnose, c’est-à-dire à une Connaissance secrète, transmise uniquement de bouche à oreille. Mais cette Gnose n’est pas restée figée en Égypte. C’est ainsi que des philosophes grecs comme Héraclite, Thalès et Pythagore, entre autres, sont allés étudiés dans ce pays (Pythagore plus de vingt ans). De retour en Grèce, ils fondèrent leurs propres Écoles de mystères. À leur tour, des penseurs de la Rome antique étudièrent les mystères grecs, eux-mêmes inspirés des mystères égyptiens, et créèrent également des centres d’études dans leur pays. Par la suite, cet héritage ésotérique fut recueilli par les alchimistes du Moyen-Âge, puis par les Rose-Croix au tout début du XVIIe siècle. À ce propos, il est intéressant de noter que Michaël Maier, qui faisait partie de la Fraternité rosicrucienne de l’époque, écrivit dans « Silentium Post Clamores » : « Nos origines sont égyptiennes, brahmaniques, issues des mystères d’Éleusis et de Samothrace, des mages de Perse, des pythagoriciens et des arabes. »
Depuis l’Époque moyenâgeuse, l’Ordre de la Rose-Croix a perduré, mais s’est perpétué à travers des cycles d’activité suivis de cycles de sommeil, et à travers divers courants. Au XVIIIe siècle, le plus important fut connu sous le nom d’« Ordre de la Rose-Croix d’Or d’Ancien Système. » C’est à cette époque que fut publié le livre « Symboles secrets des Rose-Croix des XVIe et XVIIe siècles », ouvrage magistral regroupant de nombreuses planches à caractère hermétique, alchimique et gnostique. Au XIXe siècle, c’est l’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix, fondé par Stanislas de Guaita (2) (1861-1897) et Josephin Peladan (1858-1918), qui attira le plus l’attention. À la même époque, furent organisés à Paris les « Salons de la Rose-Croix », auxquels participèrent les plus grands peintres symbolistes de l’époque (Ferdinand Khnopff, Émile Bernard, Georges de Feure, Jean Delville, Charles Filligier, Eugène Grasset…)
Depuis le début du XXe siècle, c’est l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix qui constitue le mouvement rosicrucien le plus important. Il fut fondé par Harvey Spencer Lewis (1883-1939), lequel fut initié à Toulouse, en 1909, par le Grand Maître d’une mouvance rosicrucienne sur le point d’être mise en sommeil. De nos jours, l’A.M.O.R.C. est actif dans le monde entier et poursuit son œuvre à travers des juridictions de langue : française, mais aussi anglaise, allemande, italienne, nordique, japonaise, russe, etc. Précisons qu’il est reconnu d’utilité publique dans plusieurs pays, en raison notamment de sa contribution à la culture, à l’éducation et à la paix. Non religieux et apolitique, il est ouvert aux hommes comme aux femmes, sans distinction de nationalité, de classe sociale ou de religion. En cela, il constitue une Fraternité mondiale et cosmopolite, représentative de toute l’humanité.
La question qui se pose est de savoir : Qu’est-ce qui, depuis la plus haute Antiquité, a incité des hommes et des femmes à étudier les Mystères, au sens traditionnel de cette expression ? C’est le désir et le besoin de mener une quête de sens, de connaissance et de sagesse. C’est là le propre de tout mystique authentique, c’est-à-dire de toute personne qui cherche à comprendre le pourquoi et le comment des choses. Les Rosicruciens font partie de ces chercheurs, et c’est ce qui justifie leur appartenance à l’A.M.O.R.C. En cela, je trouve regrettable que le mot « mystique » soit si souvent galvaudé et employé dans un sens péjoratif pour désigner un individu que l’on juge éthéré, déconnecté de la réalité, voire déséquilibré. En réalité, ce mot provient du grec « mystikos », qui veut dire « mystère ». Par extension, le mysticisme est l’« étude des mystères », ce qui nous ramène aux Écoles de mystères dont il a été question précédemment.
Une quête de sens
Que faut-il entendre par quête de sens ? D’une manière générale, c’est l’attitude de celui ou de celle qui pense que la vie a un but et qui cherche à comprendre en quoi consiste ce but. Cela suppose d’avoir une approche spiritualiste de l’existence et d’admettre que l’univers, la Terre et l’homme lui-même s’inscrivent dans un Plan divin. À l’opposé de cette attitude, il y a celle des athées et des matérialistes, qui considèrent que la vie n’a aucun sens et qu’elle est le fruit du hasard ou d’un concours de circonstances. Selon eux, l’être humain se réduit à un corps physique et n’existe que durant l’intervalle de temps qui s’écoule entre la vie et la mort, laquelle mène au néant et met fin définitivement à ce qu’il était en tant que personne. En vertu de cette conviction, la plupart recherchent le bonheur dans les seuls plaisirs et les seules joies que le monde matériel est susceptible de leur procurer, ce qui ne peut les satisfaire à long terme.
De toute évidence, les Rosicruciens font partie des spiritualistes qui mènent une quête de sens et qui pensent que la vie a un but. Pour être plus précis, mais sans pour autant révéler en détail ce qui est expliqué à ce sujet dans l’enseignement de l’A.M.O.R.C. (ce qui serait impossible en quelques pages), l’ontologie rosicrucienne est fondée sur l’idée que tout être humain possède une âme virtuellement parfaite et que sa vie sur Terre doit lui permettre, tout en étant aussi heureux que possible, de prendre graduellement conscience de cette perfection latente, et même de la manifester à travers son comportement. Étant donné qu’un tel but ne peut être atteint en une seule vie, la plupart des membres de l’Ordre admettent le principe de la réincarnation. En application de ce principe, ou plutôt de cette loi spirituelle, nous nous réincarnons aussi longtemps que nous sommes encore imparfaits dans notre manière d’être.
On ne peut convaincre quiconque que la vie a un sens. Cela étant, la majorité des scientifiques s’accordent à dire que la probabilité qu’elle existe sur Terre était quasiment nulle au regard des nombreux paramètres nécessaires à son apparition (10-30). Si notre planète avait été plus proche ou plus éloignée du Soleil, si elle avait tourné sur elle-même plus rapidement ou plus lentement, si elle avait été plus grosse ou plus petite, si elle avait été davantage inclinée ou moins, etc., elle serait restée morte, à l’instar de ses “consœurs” de notre système solaire. À ces paramètres cosmiques viennent s’ajouter toutes les conditions physiques et chimiques nécessaires à la vie. Dès lors, comment penser qu’elle est le fruit du hasard ou d’un concours de circonstances. Albert Einstein résuma en quelques mots son point de vue sur la question. Il déclara en effet : « Dieu ne fait rien pour rien, pas plus qu’Il ne joue aux dés. »
Précisément, qu’en est-il de Dieu au regard de l’ontologie rosicrucienne ? Assurément, il ne s’agit aucunement d’un Être suprême ou d’un Surhomme siégeant quelque part dans le ciel et décidant du sort de chaque être humain, y compris du moment et des circonstances de sa mort. Pour les Rosicruciens, Il s’apparente à l’Intelligence infinie et impersonnelle qui est à l’origine de la Création et de ce qu’elle contient sur les plans visible et invisible. Cette Intelligence absolue, immanente et transcendante, nous est inaccessible, mais Elle se manifeste dans l’univers, la nature et l’homme lui-même au moyen de lois que nous pouvons étudier, comprendre et, pour certaines, maîtriser. Le rosicrucianisme a pour but, entre autres, de se familiariser avec ces lois et de vivre en harmonie avec elles, conditions nécessaires à notre bien-être et au bonheur que nous recherchons. On notera que cette approche de Dieu est plus scientifique que religieuse.
Dès lors que l’on admet que l’univers, la nature et l’homme sont régis par des lois que l’on peut qualifier de « divines » (et qui font l’admiration des savants eux-mêmes), on est enclin à penser que la Création, dont nous-mêmes faisons partie, a elle aussi un but. D’un point de vue rosicrucien, elle sert de support matériel à l’Évolution cosmique, c’est-à-dire à l’évolution de la Conscience cosmique, laquelle est un attribut de Dieu, au sens que j’ai défini précédemment. À ce propos, il est intéressant de rappeler que Hubert Reeves, astrophysicien plutôt spiritualiste, a déclaré que « l’une des fonctions majeures de l’univers est de fabriquer de la conscience, à différents niveaux et sous différentes formes ». Sur Terre, ce processus opère d’une manière continue à travers les règnes minéral, végétal, animal et humain, ce qui veut dire que la vie utilise la matière pour réaliser un objectif commun : l’évolution progressive de la conscience vers des niveaux de plus en plus élevés.
Une quête de connaissance
En quoi consiste la quête de connaissance à laquelle se livrent les Rosicruciens ? Elle est fondée sur l’étude de l’enseignement dispensé par l’A.M.O.R.C., lequel se présente sous forme de fascicules qui s’échelonnent sur douze degrés et que chaque membre reçoit chez lui à raison de quatre par mois, ou auxquels il peut accéder par internet. Il est impossible, dans le cadre de cet article, d’énumérer tous les sujets traités ; on peut citer l’origine de l’univers, la structure de la matière, le temps et l’espace, les lois de la vie, les phases de la conscience, les phénomènes psychiques, la nature des rêves, les sons mystiques (les mantras), le concept de Dieu, l’Âme universelle, l’âme humaine et ses attributs, le but de l’évolution, le libre arbitre, le karma, les mystères de la mort et de l’après-vie, la réincarnation, le symbolisme traditionnel, la science des nombres, etc. À ces sujets viennent s’ajouter nombre d’expériences consacrées à l’apprentissage de techniques fondamentales en matière de mysticisme : la relaxation, la concentration, la visualisation, la création mentale, la méditation, la prière, la régénération, l’éveil psychique, l’alchimie spirituelle, etc. En cela, la connaissance rosicrucienne n’est pas spéculative ; elle a un caractère éminemment pratique.
Parallèlement à l’enseignement auquel les membres de l’A.M.O.R.C. ont accès, ils bénéficient également des travaux effectués sous l’égide de l’Université Rose-Croix Internationale. Ces travaux leur sont communiqués régulièrement à travers des manifestes qui leur sont adressés, ou des articles publiés dans la revue Rose-Croix, accessible aux non-membres. Tous ont été rédigés par des Rosicruciens ou des Rosicruciennes spécialisés dans un domaine du savoir : médecins, psychologues, physiciens, musiciens, etc. Parmi les thèmes abordés dans ces manifestes, on peut citer l’électromagnétisme, la psyché, la géométrie sacrée, l’alchimie des rêves, les bienfaits de la relaxation, l’influence spirituelle de la musique, la division triadique du monde, la genèse de l’univers, les fondements de la santé, les origines de l’astronomie, etc. D’une manière générale, ces écrits ont pour but de proposer une approche spiritualiste des sujets traités. L’U.R.C.I. a d’ailleurs pour devise : « La culture au service de la spiritualité. »
Une autre source de connaissance existe pour les Rosicruciens qui le souhaitent. Elle consiste à se rendre dans une Loge de l’Ordre, afin de bénéficier de l’enseignement oral que l’on y dispense. Au cours des réunions (deux par mois), les membres présents sont invités à écouter un entretien d’environ vingt minutes, suivi d’un forum au cours duquel chacun peut poser des questions à l’orateur ou faire des commentaires. Parmi les sujets exposés et discutés, il y a les cycles de la vie, le mystère de la naissance, le mystère de la mort, l’équilibre vital, la prévention des maladies, la nature de l’aura humaine, le pouvoir de la parole, la pensée positive, les symboles, les quatre éléments, les bienfaits du rire, les propriétés de la lumière, les fondements du bonheur… Parfois, c’est une expérience collective qui est proposée aux participants, sur des thèmes aussi divers que la création mentale, la méditation, l’éveil psychique, la régénération, l’harmonisation astrale, la vocothérapie… Outre la connaissance ainsi acquise, le fait de rencontrer d’autres membres et de pouvoir échanger avec eux est très enrichissant sur le plan humain, et permet de vivre l’idéal de fraternité si cher aux Rosicruciens.
Mais la quête de connaissance ne saurait se réduire à acquérir des connaissances, qu’elles soient d’ailleurs théoriques ou pratiques. Elle consiste également à se connaître soi-même, comme l’enseignaient déjà les philosophes de la Grèce antique, en particulier Socrate, le “père” de l’éthique. Mais que veut dire « se connaître soi-même » ? À cette question, on peut répondre : c’est savoir qui l’on est en tant que personne, avec ses qualités, mais également ses faiblesses et ses défauts, ce qui suppose de recourir régulièrement à l’introspection. À un niveau plus élevé, c’est connaître notre âme elle-même, c’est-à-dire qui nous sommes en tant qu’entité spirituelle. Une telle connaissance ne peut être obtenue qu’au moyen de l’intériorisation, c’est-à-dire par une communion consciente avec notre Moi intérieur. La manière de réaliser une telle communion fait partie des pratiques mystiques enseignées dans l’A.M.O.R.C. et constitue l’un des fondements de l’initiation rosicrucienne.
À propos d’initiation, il est courant de penser que celle-ci correspond à une cérémonie ou un rituel au cours duquel un initiateur, physiquement présent, transmet une connaissance, un savoir, une onction…, à un initiable, lui aussi présent sur le plan physique. Dans ce cas, la transmission se fait par la voix et le geste. Cela étant, il existe une forme d’initiation plus subtile et à mes yeux tout aussi bénéfique, si ce n’est plus : celle que l’on reçoit de son propre Maître intérieur. En effet, celui-ci est le plus grand Initiateur qui soit, puisqu’Il est Dieu en l’Homme. Dans l’absolu, Il possède le plus haut niveau de connaissance et de sagesse qui nous soit accessible. C’est d’ailleurs ce qu’ont enseigné tous les Initiés du passé. En application de ce principe, chaque degré de l’enseignement rosicrucien est précédé par une initiation non obligatoire que les membres de l’Ordre peuvent recevoir en se rendant dans une Loge, ou en se la conférant eux-mêmes, au moyen d’un rituel rédigé dans ce but.
Une quête de sagesse
Qu’en est-il à présent de la quête de sagesse ? Avant de répondre à cette question, rappelons que la sagesse est en soi un archétype auquel la Tradition a donné le nom de « Sophia » Pour les philosophes grecs, elle prenait sa source dans l’Âme du monde, que les Rosicruciens assimilent à l’Âme universelle. Il faut noter également que l’être humain a tendance à admirer, voire à vénérer, les personnes que l’on dit sages et qui le sont vraiment. De même, la plupart des gens s’évertuent à donner d’eux-mêmes la meilleure image possible aux autres. Pourquoi ? Parce qu’ils sentent intuitivement que ce qui fait la valeur d’un individu, c’est son aptitude à exprimer le meilleur de lui-même dans ses relations avec autrui. Cette tendance, ce sentiment, ont leur origine dans l’âme humaine, laquelle, en raison de son origine et de sa nature divines, aspire à la sagesse.
Convaincu que la sagesse est le but vers lequel tout être humain doit tendre durant son existence, Pythagore, considéré comme l’un des plus grands penseurs que l’humanité ait connus, fit de l’« amour de la sagesse » le guide suprême de sa vie, ce qui donna naissance au mot « philosophie ». Par extension, un philosophe, au sens le plus noble du terme, est quelqu’un qui aime la sagesse, au point de la rechercher et d’en faire une quête. Tel est précisément le cas des Rosicruciens ; ils aspirent en effet à l’atteindre, l’intégrer et l’exprimer à travers leur comportement, non seulement dans leur intérêt, mais également dans celui des autres. En fait, c’est ce qui justifie leur quête de sens et de connaissance. Ils rejoignent en cela l’idée de Spinoza, selon laquelle « La sagesse est le Bien suprême de l’âme humaine. » Dans les textes rosicruciens les plus anciens, elle est qualifiée de « summum bonum », ce qui veut dire littéralement le « souverain bien ».
Mais qu’est-ce que la sagesse ? D’un point de vue rosicrucien, c’est un état de conscience. Pour être plus précis, c’est celui que manifeste dans son comportement toute personne qui est parvenue à éveiller les vertus que l’on attribue à l’âme humaine, dans ce qu’elle a de plus divin. Est donc sage celui ou celle qui fait preuve en toutes circonstances d’humilité, de sincérité, d’intégrité, de générosité, de bienveillance, de non-violence… Étant donné qu’un tel objectif ne peut être atteint en une seule vie, la plupart des Rosicruciens, comme je l’ai déjà mentionné, adhèrent à la réincarnation. Ainsi, de vie en vie, tout être humain est conduit à s’améliorer, se parfaire, jusqu’à exprimer ce qu’il y a de plus spirituel en lui. Dès lors, on peut considérer qu’il a atteint l’état de sagesse, désigner sous le nom d’«état de Rose-Croix» dans la Tradition rosicrucienne. Ayant atteint cet état, il n’est plus dans l’obligation de se réincarner.
Comment acquérir la sagesse ? En premier lieu, il faut le vouloir, en faire un objectif, une quête. En second lieu, il faut procéder avec méthode. Les Rosicruciens ont la leur : ils pratiquent l’alchimie spirituelle, laquelle consiste, non pas à transmuter les métaux vils en or, comme le faisaient jadis les alchimistes, mais à transmuter nos défauts en leurs qualités opposées : l’orgueil en humilité, l’égoïsme en générosité, la violence en non-violence, etc. C’est là une entreprise difficile qui nécessite du temps, mais l’expérience prouve qu’elle est efficace et source de satisfaction. En fait, c’est la seule voie permettant de nous transformer intérieurement et de nous rapprocher graduellement de l’état de sagesse, jusqu’à l’atteindre dans l’une de nos réincarnations successives. C’est ce qui fit dire à René Guénon : « Le processus initiatique et le Grand Œuvre hermétique ne sont en réalité qu’une seule et même chose : la conquête de la Lumière divine, qui est l’unique essence de toute spiritualité. »
Une autre question se pose : Pourquoi mener une quête de sagesse ? La réponse à cette question tient en un seul mot : s’améliorer. Mais dans quel but ? En premier lieu, pour devenir une meilleure compagnie pour soi-même, car tout défaut majeur est une cause de mal-être et fait de nous un ennemi de nous-mêmes, ce qui nous empêche d’être heureux. En deuxième lieu, pour devenir une meilleure compagnie pour les autres, qu’il s’agisse de nos proches, de nos amis, de nos collègues de travail, de nos voisins, et même des inconnus que nous croisons dans la rue chaque jour. En troisième lieu, pour devenir un(e) meilleur(e) citoyen(ne) et contribuer à l’évolution de la société, et ce, dans l’intérêt de tous. De toute évidence, le monde va mal en maints domaines, mais le seul moyen de le rendre meilleur est de s’améliorer soi-même et, par l’exemple, de donner aux autres le désir d’en faire autant. Il s’agit finalement d’œuvrer à l’émergence d’une « culture de la sagesse ».
C’est précisément parce que l’A.M.O.R.C. est soucieux de contribuer à l’évolution de la société qu’il publie régulièrement, sur internet ou dans des revues diverses, des textes destinés à éveiller les consciences. Parmi ceux qui l’ont déjà été, je citerai notamment la « Lettre ouverte aux citoyens et aux citoyennes du monde », la « Déclaration rosicrucienne des devoirs de l’Homme », le « Plaidoyer pour une écologie spirituelle », la « Contribution rosicrucienne à la paix », sans oublier la « Positio F.R.C. », l’« Appellatio F.R.C. » et les « Nouvelles Noces chymiques de Christian Rosenkreutz », trois Manifestes qui ont eu un grand retentissement en France, en Europe et dans le monde. On peut lire dans la conclusion du deuxième, paru en 2014 : « Nous souhaitons plus que jamais que l’humanité se donne une orientation spiritualiste, humaniste et écologiste, afin qu’elle renaisse à elle-même et cède la place à une Nouvelle Humanité, régénérée sur tous les plans. » Ces quelques lignes résument bien l’idéal et la philosophie des Rosicruciens.
Du fait qu’ils mènent une quête de sens, de connaissance et de sagesse, les Rosicruciens sont parfois qualifiés d’« utopistes ». Sans doute le sont-ils quelque peu. Mais qu’on se rappelle les paroles de Platon : « L’Utopie est la forme de Société idéale. Peut-être est-il impossible de la réaliser sur Terre, mais c’est en elle qu’un sage doit placer tous ses espoirs. »
Par Serge Toussaint, Grand Maître de l’A.M.O.R.C.