- La chevalerie universelle, par J.-P. Deterville
- L’illusionnisme et ses rapports avec l’ésotérisme traditionnel, par C. Mira
- EMI et Conscience, par T. Becker et C. Baratte
- Imagination – Imaginaire – Imaginal, par M. Auzas-Mille
- Documents d’Archives de l’A.M.O.R.C. : Prédictions & prophéties – [Vaticinia sive Prophetiae…], J. de Flore
Article sélectionné dans ce numéro : N° 291 : Automne 2024
La chevalerie universelle
par Jean-Philippe Deterville
Grand Maître Emeritus de la Grande Loge italienne
« Quand la charité, la loyauté, la justice et la vérité défaillirent dans le monde, alors la cruauté, la déloyauté, l’injustice et la fausseté commencèrent, et, pour cela, l’erreur et le trouble furent dans le peuple de Dieu : peuple qui a été créé dans l’intention que, de l’homme, Dieu soit aimé, connu, honoré, servi et craint.
Au commencement quand, au monde, fut venu le mépris de la justice par un défaut de charité, il convenait que la justice revint à l’honneur par la crainte. Et, pour cela, tout le peuple fut divisé en milliers et de chaque millier fut choisi et élu un homme plus aimable, plus sage, plus loyal, plus fort et de plus noble courage et ayant plus de savoir et de bonnes manières que tous les autres.
Et après fut recherché entre toutes les bêtes celle qui est la plus belle, la plus rapide, la plus puissante à soutenir l’effort et la plus habile à servir l’homme. Ainsi fut trouvé que le cheval était la bête la plus noble et la plus convenable pour servir l’homme. Pour cela, entre toutes les bêtes, on élut le cheval et on le donna à cet homme élu entre mille hommes. Et, pour cela, cet homme reçut le nom de chevalier. » – Raymond Lulle
La chevalerie est l’aventure éternelle qui amène l’homme à faire sa propre conquête, à la découverte du Soi. Elle n’est ni d’une époque ni d’un lieu particulier, mais une valeur permanente de l’humanité. Son origine se perd dans la nuit des temps. De fait, il y a toujours eu des hommes de cœur pour lutter contre l’injustice et l’ignorance.
Toutes les civilisations ont manifesté une forme de chevalerie, rassemblant en son sein une élite mettant sa force au service d’un idéal. Sur le plan historique, nous retrouverons la chevalerie chez les Zoroastriens, les Pythagoriciens, les Esséniens, les Chrétiens et les Musulmans, tout comme chez les Francs, les Romains, les Goths et les Sarrasins. Templiers, Samouraïs, Kshatriya de l’Inde ont participé à ce vaste mouvement évolutif dont les ordres initiatiques et traditionnels authentiques comme l’A.M.O.R.C. et l’O.M.T., sont les héritiers.
Dans toutes les sociétés le concept du chevalier fait appel à un type supérieur d’humanité. Il incarne l’union de la force et du sacré. En règle générale, le paysan et l’artisan assurent la production des besoins de la communauté, le prêtre incarne l’aspect spirituel tandis que le chevalier protège l’ensemble. De la classe des prêtres émanait le Grand Prêtre, alors que la classe des Chevaliers faisait le Roi. Chaque classe offrait une voie de développement intérieur, à savoir la voie sacerdotale pour les prêtres, la voie royale pour la chevalerie et à travers l’initiation des métiers, le compagnonnage. L’Égypte, l’Inde, la Chine, ou encore le Japon, nous offrent l’exemple de sociétés organisées suivant ces principes traditionnels.
C’est en général, au XIe siècle que fleurirent sur toute la surface de la Terre certaines expressions les plus élaborées de la chevalerie. En Europe, les Ordres de chevalerie avaient pour but ésotérique d’établir la cité terrestre sur le modèle de la Jérusalem céleste.
Au XIIIe siècle, en Occident, l’éthique de la chevalerie est manifeste comme l’atteste la citation suivante : « Oh Dieu ! Vous n’avez permis ici-bas l’usage de l’épée que pour contenir la malice des méchants et pour défendre la justice. Faites que votre nouveau chevalier ne se serve jamais de ce glaive pour léser injustement qui que ce soit, mais qu’il s’en serve toujours pour défendre tout ce qui est ici-bas de juste et de droit. »
Aux yeux de tous, la chevalerie est alors une institution dont les membres mettent leur épée au service du droit et de la protection de l’opprimé. Ainsi la chevalerie oppose le guerrier bienfaisant qui met son épée au service de Dieu au guerrier brutal sans loi et sans scrupules.
Ceci étant, l’aspect le plus marquant de l’histoire chevaleresque occidentale est certainement l’émergence de l’idéal du chevalier du Christ, au service non plus d’un homme mais du Divin. Ainsi, de tous les ordres de chevalerie, aucun n’eut une destinée aussi extraordinaire que l’Ordre du Temple. En effet, il eut une telle influence sur la direction du monde, que celle-ci dura longtemps encore après sa disparition, en 1314. Sa devise était : « Non nobis, domine, non nobis sed nomini tuo da gloriam. » Autrement dit, « Pas pour nous, pas pour nous Seigneur mais pour la seule gloire de ton nom ». Cette invocation manifeste et traduit l’allégeance du chevalier au plan divin.
L’Ordre Musulman des chevaliers ismaéliens dit Assacis et l’Ordre chrétien des chevaliers johannites du Temple étaient constitués exactement sur le même modèle, parce que l’un et l’autre étaient construits suivant les mêmes principes ésotériques, d’après une sagesse unique et invariable qui se manifeste à travers le monde sous des aspects différents, comme la lumière se décompose à travers le prisme en couleurs diverses. L’Ordre des Assacis dura deux siècles, comme l’Ordre du Temple. Tous deux sont brisés quand ils ont atteint le faîte de la puissance. Les Ismaéliens représentent dans le monde musulman ce que représentent dans le monde chrétien, les Johannites. Ainsi, ils ne se cachent pas pour déclarer qu’ils n’acceptent du Coran que ses significations symboliques.
L’Afrique Noire, du Nord au Sud, a eu également ses collèges initiatiques pour les rois et les guerriers, aux rites secrets, jalousement préservés. Ainsi, le Bénin a connu les Amazones de Béhanzin tandis que les Peuls et les Bambaras ont eu leurs guerriers, tout comme le Cameroun. Dans les chants des confréries initiatiques, il était ordonné d’obéir à Dieu, de pardonner, de ne pas abuser de la victoire, d’être loyal et courageux. De même, il était dit de respecter celui que l’on combat, d’honorer le vaincu malheureux et de prendre soin de ses veuves.
En Inde, les Kshatriyas constituent la seconde caste, celle des guerriers. Leur code d’honneur est illustré par la Baghavad Gita qui, sur le plan ésotérique, est un véritable guide éthique et moral.
Au Japon, le terme « Samouraï » signifiait, littéralement : gardes, c’est-à-dire guerriers, mais également gardiens d’une tradition. Leur idéal n’était pas seulement militaire, mais politique, moral et religieux. Ils ne devaient pas abuser de leur force, mais faire régner l’ordre, la justice et les lois morales et religieuses. Ils obéissaient à leur code d’honneur, le Bushido. Ieyasu Tokugawa, shogun important de l’histoire du Japon a illustré l’éthique samouraï de façon très instructive :
« La vie est semblable à un long voyage qu’il faut faire en portant un lourd fardeau. Marche lentement et d’aplomb pour ne pas broncher.
Persuade-toi bien que les imperfections et les ennuis sont l’apanage naturel de la nature humaine et tu ne connaîtras plus le mécontentement et le désespoir.
Rappelle-toi les jours d’adversité que tu as traversés, quand les désirs ambitieux s’élèveront dans ton cœur.
La patience est la source éternelle de la paix et de la sécurité, regarde la colère comme une ennemie.
Si tu ne connais encore que la conquête et non la défaite, pauvre de toi ! Que de revers t’attendent !
Occupe-toi de tes défauts et non de ceux des autres. Mieux vaut peu que beaucoup. »
Dans toutes les cultures, l’accès à l’état de chevalier nécessitait une longue préparation et un long travail sur soi-même. Avant de devenir chevalier, le postulant subissait donc un rude apprentissage s’étendant sur de très longues années. Cette préparation dûment achevée, le postulant devenait chevalier lors de la cérémonie de l’armement ou adoubement. En Europe, la colée (coup de plat d’épée) était administrée, faisant de l’écuyer un Chevalier, suivie de l’accolade, l’accueillant au sein de la chevalerie.
Tous les rites extérieurs et toute l’organisation apparente des ordres chevaleresques sont basés sur des règles ésotériques et sur la connaissance initiatique. De nos jours, l’adoubement, cérémonie initiatique par excellence, se perpétue au sein des ordres initiatiques et traditionnels qui véhiculent l’essence et l’ésotérisme de la tradition chevaleresque. Il suffit, pour s’en convaincre, de se remémorer les cérémonies traditionnelles ayant cours dans certains Ordres initiatiques.
Ainsi, c’est à travers l’initiation chevaleresque que l’esprit de la chevalerie pourra être perçu et intégré, vécu et manifesté. Grâce à elle, le chevalier prend progressivement conscience de l’existence de la véritable chevalerie, la chevalerie célestielle, et s’efforcera de manifester les qualités liées à son état et plus particulièrement la loyauté et la fidélité à son Idéal.
La chevalerie historique s’inspire de la légende et des grandes épopées qui sont à l’origine de l’histoire de tous les peuples. Avant l’institution chevaleresque, il y a l’esprit chevaleresque, à l’instar de l’âme qui va animer le corps. Il existe incontestablement une filiation spirituelle qui unit la chevalerie légendaire de la Table Ronde à la chevalerie historique des Templiers et qui lie l’esprit celtique au courant johannite, filiation à laquelle se rattachent par-delà le temps et l’espace, les chevaliers de l’Harmonie, les Rose-Croix. À ce propos, soulignons le fait que le symbolique chevalier Christian Rosenkreutz serait né en 1378, 70 ans après le coup d’état de Philippe Le Bel. Naturellement, il va de soi que l’origine de la Rose-Croix est bien antérieure à l’Ordre du Temple.
La morale de la chevalerie a été véhiculée par les œuvres maîtresses de la littérature médiévale. La plupart du temps, elles se présentent sous la forme d’exposés allégoriques et symboliques de la quête initiatique. Tous les écrivains du Moyen Âge proclament la prééminence de la chevalerie sur les autres ordres et Chrétien de Troyes, plus clairement que les autres. La chevalerie légendaire qui s’épanouit sur le plan idéal et transcende les faiblesses inhérentes à la nature humaine est bien la préfiguration de la chevalerie réelle.
Selon le thème romanesque courant, un chevalier errant chevauche armé à la recherche d’aventures. Il pénètre dans une forêt, où il livre combat à des lions, des dragons, des géants, ou à des chevaliers félons. S’il est blessé, il trouve alors asile dans la retraite d’un ermite. Ensuite, il arrive auprès d’un château assiégé dans lequel habite une belle princesse qu’il délivre et qui s’éprend de son sauveur.
Le lion, animal solaire, est ici l’allégorie de la passion intérieure ; les alchimistes en font le symbole du « feu secret ». Hercule doit sans armes combattre le lion de la forêt de Némée et l’étouffer entre ses bras nus ; c’est le courage de la sincérité qui vaincra la passion.
Le chevalier doit terrasser le Dragon qui symbolise les 4 éléments de la matière à travers laquelle nous prenons conscience. En effet, il crache l’élément Feu ; ses ailes manifestent l’élément Air ; son corps recouvert d’écailles tout comme un animal aquatique symbolise l’élément Eau. Enfin, il se tient souvent dans une caverne au sein de la Terre. Le chevalier doit terrasser, c’est-à-dire maîtriser et non pas tuer, le Dragon qui est en lui- même. Autrement dit, il lui faut se servir de cette énergie négative et la transmuter en énergie positive qu’il utilisera désormais dans son combat. Sur le plan initiatique, le dragon incarne également le « Gardien du Seuil ».
Il est indéniable que la légende arthurienne a joué un rôle important dans la formation de l’esprit chevaleresque. Dans celle-ci, l’enchanteur Merlin, né d’une vierge et d’un démon, crée et formule les règles de l’ordre chevaleresque de la Table Ronde ; apportant ainsi le parrainage druidique à la chevalerie chrétienne.
Le roi Arthur accueille 48 Chevaliers autour de la Table Ronde qui prévoit 50 places. Précisons que le nombre cinquante, c’est 7 au carré, plus l’unité. La place inoccupée est réservée au chevalier qui saura conquérir le vase sublime, le Graal. Des imprudents osèrent s’asseoir sur le siège périlleux et furent aussitôt foudroyés. Enfin, Galaad, le Chevalier prédestiné apparut et prit sa place.
Le but des chevaliers de la Table Ronde, la grande aventure pour laquelle ils devaient s’offrir aux périls, aux renoncements, aux sacrifices, c’était la quête du Graal. Toutes les mythologies, toutes les traditions religieuses ont leur vase sacré. Toutes présentent un vaisseau, une coupe dans laquelle les prédestinés boivent la liqueur de l’initiation. Sur l’Olympe, un vase sacré renferme l’ambroisie dont sont nourris les Dieux. En Inde, on évoque le vase sacré et l’Amrita et en Perse, Mithra lève le vase sacré vers les hauteurs.
En fait, le Saint-Graal de la littérature médiévale européenne est l’héritier, sinon le continuateur de deux talismans de la religion celtique préchrétienne : le chaudron du Dagda et la coupe de souveraineté. Parmi ses innombrables pouvoirs il possède, outre celui de nourrir (don de vie), celui d’éclairer (illumination spirituelle), celui de rendre invincible.
Quoi qu’il en soit, et quel que soit le lieu où est caché le Graal, ce vase sacré ne doit pas être recherché sur le plan physique. Et c’est ce que démontre clairement la légende arthurienne. Le Graal est l’aboutissement ultime de la quête du Chevalier, car il symbolise la plénitude intérieure que les hommes ont toujours cherchée. Il s’agit en fait d’un plan de conscience à atteindre et réaliser, d’un niveau vibratoire, celui de la Réalité Suprême. La quête du Graal est l’aventure spirituelle par excellence, nécessitant une transformation radicale de l’esprit et du cœur, la transmutation totale de l’être. Elle exige de dépasser les pas de Lancelot, de Perceval pour rejoindre la transparence de Galaad, le chevalier célestiel et atteindre la conscience christique.
Mais revenons au mot « chevalerie ». Son étymologie nous rappelle successivement le mot cheval et, par association, cavale, caballe. Le cheval, dans de nombreuses traditions, représente la puissance et la connaissance. Le chevalier est tellement lié à sa monture que si par malheur, il déchoit, il est proclamé indigne de chevaucher. De façon générale, le chevalier est donc celui qui est le maître de sa monture. Le cheval incarne alors l’ego, le moi objectif et limité de l’être humain, les forces élémentaires, les instincts et les passions que le chevalier doit maîtriser s’il veut espérer atteindre son but. Le cheval étant la plus belle conquête de l’homme extérieur, il s’avérait logique et nécessaire que l’homme intérieur aille à sa propre conquête et apprenne à maîtriser sa nature inférieure pour en faire son amie.
Cependant, le chevalier est également celui qui porte l’épée et qui en a la garde, celui qui emprunte la voie de la guerre sainte, la guerre intérieure. Si le symbole du chevalier est entièrement intériorisé, c’est- à-dire s’il ne concerne que la lutte spirituelle, il tend à se confondre avec celui du saint et du réalisé.
L’épée incarne la bravoure et la puissance mais symbolise aussi la lumière et l’éclair. Sa lame qui brille était pour les Croisés, un fragment de la croix de lumière. Ses deux tranchants manifestent la loi de dualité. Par conséquent, son pouvoir possède un double aspect ; destructeur, si la destruction s’applique au mal et à l’ignorance ; constructeur, si elle établit et maintient la paix et la justice. Autrement dit, l’épée établit son pouvoir séparateur vis-à-vis du bien et du mal.
Pour l’Initié, l’épée flamboyante est le symbole de la pure connaissance et de la destruction de l’ignorance. Elle ne peut être tirée du fourreau par un profane, sous peine des pires dangers, comme l’aveuglement ou la brûlure, car le feu de l’épée ne peut être supporté que par un individu qualifié.
Au Japon, l’épée sacrée dérive elle aussi de l’éclair, tout comme l’épée du sacrificateur védique, la foudre d’Indra. Le Bodhisattva porte l’épée flamboyante dans le monde des asuras, et en Chine, le trigramme Li correspond tout à la fois au soleil, à l’éclair et à l’épée. Ainsi, dans toutes les cultures, l’épée apparaît comme l’arme noble par excellence. À cette dernière est toujours associée la notion de clarté et de pureté.
Dans la Tradition occidentale, le Nouveau Testament, et plus particulièrement l’Apocalypse, permet de comprendre que l’épée est l’instrument de justice, la parole de Vie, le Verbe. Elle est donc par excellence l’arme de la Connaissance et des combats spirituels, celle qui va permettre au chevalier de s’affranchir de l’ignorance et d’accéder à la sagesse. Comme pour l’initié, la bonne conduite du chevalier se situe, en toute sécurité, entre la loi et l’épée.
« L’épée t’enseigne que sans le discernement et le détachement nécessaires, ta quête sera vaine et inutile. Maintenant, tu dois prendre conscience de la valeur du manteau mystique et des autres symboles mis à ta disposition, au service du Bien et de l’Amour universels. »
Le manteau isole de ses plis protecteurs le chevalier et le protège contre les attaques du monde profane. Ce sublime symbole est un outil efficace entre les mains de l’Initié, lui permettant d’agir et d’œuvrer en toute impersonnalité sur son environnement. Revêtir le manteau, c’est choisir la Sagesse et rejoindre tous ceux qui œuvrent à la régénération de l’humanité souffrante. Ce geste symbolise aussi le retrait en soi- même, le renoncement aux instincts les plus bas. Le manteau mystique est vivant et vibrant de lumière et nous relie étroitement à l’Égrégore de la Tradition Primordiale.
La ceinture ou la cordelière quant à elle marque le chevalier du sceau de la fraternité. Elle atteste de son isolement des forces du mal et fait de lui un maillon de la longue chaîne des initiés et des serviteurs de la lumière. De plus, elle est le vivant rappel de ses engagements et du lien le reliant aux autres initiés en tant que maillon d’une longue chaîne reliant le passé à l’avenir. La ceinture montre que le chevalier est prêt à affronter tous les dangers pour défendre son Idéal.
« Œuvre, prie et médite !
Développe des qualités telles que la dignité, l’humilité et le courage ! N’oublie jamais que la dynamique du chevalier, c’est l’amour. »
Au-delà de l’histoire, de la légende et de la symbolique, c’est le message même de la chevalerie qu’il nous faut approcher : Paix, Lumière, Amour et Harmonie. La chevalerie plonge ses racines dans le cœur de l’homme et manifeste ce qu’enseigne le Sphinx face à l’Éternité : VOULOIR – OSER – SAVOIR – SE TAIRE
Par son esprit et son éthique, la chevalerie constitue un excellent exemple de ce que peut et doit être notre attitude de chaque jour. En outre, elle crée un style de vie et devient un état d’Être. L’idéal même de la chevalerie se traduit par l’acceptation d’une règle de vie et de conduite, s’exprimant au travers de certaines qualités ou valeurs universelles telles que l’esprit chevaleresque bien sûr, mais aussi l’honnêteté, le courage, la fierté, la fermeté, la patience, l’humilité, l’indéfectibilité, la persévérance, la tolérance et la capacité de pardon. Il se résume en une loyauté absolue envers des engagements librement acceptés auxquels toute la vie est soumise et particulièrement envers la Tradition qui nous a accueillis. Il exprime un refus de la corruption ambiante, surtout quand elle prend l’aspect de la félonie. Il réclame le courage d’avoir la fermeté nécessaire envers soi, de ne pas faillir envers son idéal pour défendre le Bien, le Vrai et le Beau.
Certes, il arrive que l’idéal chevaleresque se pervertisse dans les directions de la puissance (les Chevaliers teutoniques), de la richesse (les Templiers), voire même de l’irréalisme (Don Quichotte). Les chevaliers s’érigent alors en défenseurs de leur propre territoire, de leur propre trésor, de leurs propres visions et s’aliènent alors eux-mêmes.
Tout aspirant à la Chevalerie doit être tout simplement un homme de cœur. L’Amour est une arme puissante. Le Chevalier peut être bon et miséricordieux, car il est fort. De plus, il n’oublie pas que le bien commun est plus important que le bien particulier.
Le chevalier obéit à la loi d’Amour et du Service ; il est consacré au service de Dieu et de l’Humanité. Aussi s’efforce-t-il de vaincre l’égoïsme et surtout l’orgueil. L’orgueil dont Saint Augustin dit : « Les autres vices s’attachent au mal pour qu’il se fasse ; l’orgueil seul s’attache au bien pour qu’il périsse. »
Le service, qui se doit d’être silencieux, transforme le chevalier en veilleur silencieux et gardien de l’humanité. Lourde responsabilité pour le Chevalier, qui l’oblige à montrer la Voie et donc à s’en montrer digne sur tous les plans. Son exemple doit servir l’épanouissement de l’humanité.
Le désir et la volonté de réaliser l’Homme total, cette exigence fut celle de la chevalerie, en tout temps et en tous lieux. Jésus lui-même ainsi que d’autres Maîtres, par leur sacrifice, ont contribué au développement de l’esprit chevaleresque. D’une manière générale, le Chevalier est à la recherche du Christ Cosmique, ce Christ qui est en Soi afin de devenir une vivante «copie» du Christ. Là, se dessine son action sur le plan collectif. Le véritable chevalier mystique est celui qui participe tel Perceval à la quête du Saint Graal. À travers les épreuves de la vie qu’il devra assumer et maîtriser, il travaillera sur lui-même, consacrera sa vie au maintien de la bonté, de l’amour, de la paix et de la justice. Tout ceci éclaire notre compréhension du mystique et de l’initié qui ont toujours été des chevaliers, à toutes les époques et sous toutes les latitudes. Chevaliers dont le but est la conquête du Château de l’Aventure, celui du Graal ou l’initié trouvera le vase sacré qui étanchera sa soif spirituelle. Le Graal, la révélation totale et absolue de la sagesse universelle, le Secret des Secrets.
Tout chevalier, tout initié, aspire non pas à la victoire mais à la Paix Intérieure qui place l’homme au-dessus de tous les combats, c’est-à-dire la Paix Profonde du Rose-Croix. Quant à la Rose, associée au Chevalier à la Rose, c’est bien le plus beau symbole que l’on puisse choisir pour caractériser l’initiation dans toute sa plénitude.
« Au travers de ta mission de service et de combat, tu t’approches de cet instant suprême où tu verras fleurir en toi la Rose sur la Croix. Que Dieu te vienne en aide ! »